Au fil de sa vie, Nancy Gaudet n’a jamais vraiment eu pour objectif de se démarquer dans des métiers traditionnellement masculins. «J’ai juste suivi mes intérêts et ça m’a menée à devenir la première femme plombier certifiée sceau rouge à l’Île-du-Prince-Édouard», a-t-elle indiqué lors d’une rencontre à la caserne des pompiers de North River, où elle est pompière depuis 16 ans.
Issue d’une famille acadienne établie à Saint-Édouard, dans la région Prince-Ouest, fille de Léo et Theresa Gaudet, Nancy se souvient que dans son enfance, la maison n’était pas très moderne : la plomberie était inexistante. «Les toilettes étaient à l’extérieur et c’était mon travail d’aller chercher l’eau pour la famille. À 16 ans, j’ai déménagé à Charlottetown et à 18 ans, avec mon diplôme de Holland College de préposée aux soins, j’ai commencé à travailler au foyer pour personnes âgées, Sacred Heart. J’ai travaillé là plusieurs années et j’ai aimé cela, mais lorsque le foyer a fermé, j’ai perdu mon emploi».
Les employés qui ont perdu leur emploi lors de cette fermeture ont reçu de l’aide pour réorienter leur carrière. Nancy, qui avait toujours été débrouillarde et qui aimait arranger les choses, s’est inscrite en plomberie, à Holland College.
«J’ai gradué en 1998. J’étais parmi les trois meilleurs étudiants de la classe et je suis la seule qui n’ai jamais trouvé de travail. Tous les autres ont trouvé des emplois. J’ai essayé de devenir membre du syndicat à ce moment-là, mais ça n’a pas été possible. Alors j’ai trouvé d’autres emplois, surtout dans l’entretien et la conciergerie, mais c’était toujours à temps partiel et je n’avais pas de bénéfices d’emplois et aucun avantage. Alors je me suis adressé au Service de Développement des carrières. C’est là qu’on m’a recommandé de reprendre la plomberie. J’ai suivi tous les cours théoriques en faisant mes heures pour obtenir mon sceau rouge. Et je l’ai obtenu en 2010. Entre 1998 et 2010, le nombre de femmes plombières n’avait pas changé. J’étais encore la seule».
La plomberie, explique Nancy Gaudet, est associée à un travail salissant, qui consiste à déboucher des toilettes et des éviers de cuisine, sur appel. «Ça peut être cela, mais ça peut aussi consister à installer des systèmes de plomberie dans des maisons en construction. Jusqu’à présent, j’ai surtout travaillé dans du neuf. Et quand on fait partie du syndicat, comme c’est mon cas depuis que j’ai mon sceau rouge, ça peut arriver qu’on nous envoie travailler à l’extérieur de la province. J’ai passé six mois en Saskatchewan, en 2013».
Nancy Gaudet est un oiseau rare et est considérée comme un exemple, pour les femmes qui explorent les métiers non traditionnels. «Je suis une mentore pour le programme Trade HerIzon, du Women’s Network. Je rencontre les participantes lorsqu’elles explorent la plomberie comme métier potentiel, et je leur parle des ouvertures et du type de travail qu’on fait. Et je les encourage à avancer», dit Nancy Gaudet.
Même si elle est la seule femme qui a reçu son sceau rouge en plomberie à l’Île, elle sait qu’elle n’est pas la seule femme qui a suivi la formation. «Depuis qu’on parle de moi dans les médias, il y a des femmes qui m’ont écrit pour me dire qu’elles ont suivi la formation, mais qu’elles ne peuvent pas trouver d’emplois. Il faut que ça change. Moi, j’aimerais avoir ma propre entreprise et procurer des emplois à ces femmes plombières. Je ne sais pas si c’est juste un rêve ou si ça se réalisera un jour», insiste-t-elle.
Le père de Nancy, Léo, était un soudeur. «Il a essayé de me montrer à souder, mais je n’ai jamais pris le tour. Ce n’était pas pour moi. La plomberie, c’est mon métier».
- Par Jacinthe Laforest