Le 9 juin 2020
- Marine Ernoult / Initiative de journalisme local - APF - Atlantique
À Charlottetown, les terrasses ont rouvert sur Victoria Row. Avec le soleil, la clientèle est de retour. (Photo : Marine Ernoult)
Les restaurants et bars de l’Île-du-Prince-Édouard accueillent à nouveau des clients depuis une semaine. A priori, le soleil et la clientèle sont au rendez-vous. Les restaurateurs affichent leur joie teintée d’inquiétude économique pour l’été à venir.
Après quelque 76 jours d’inactivité, le feu vert était très attendu. Depuis une semaine, les bars et restaurants de l’Île-du-Prince-Édouard ont rouvert leurs portes. «Nous étions tellement impatients, nous sommes heureux de retrouver notre équipe, nos clients», confie Brett Hogan, copropriétaire du Hopyard et du Sugar Skull Cantina à Charlottetown.
Mais la réouverture se fait sous conditions. Le gouvernement provincial a fixé des règles strictes, comme la limitation des tablées à six convives maximum, le maintien d’une distance d’au moins deux mètres entre les tables, l’obligation de baisser la musique ou encore l’interdiction de tout article disposé sur les tables, tels que bougies, salières ou poivrières.
Brett Hogan se prépare à cette remise en route depuis des semaines. Il a formé son personnel à toutes les nouvelles mesures d’hygiène à respecter, via des réunions virtuelles. Au Hopyard, le nombre de places à l’intérieur a été réduit de plus de la moitié, passant de 120 à 50 couverts. Un cheminement fléché a également été aménagé au sol. À l’entrée de ses deux restaurants, désinfectés chaque soir de fond en comble, du gel hydroalcoolique est à disposition. La clientèle semble être au rendez-vous. «C’est un bon début, on a eu du monde, on a même dû refuser une table lundi soir, se réjouit le restaurateur. Avec toutes les mesures qu’on a mises en place, tout le monde se sent en sécurité et on n’a aucune plainte.»
Équation financière
Mais la question de la rentabilité est sur toutes les lèvres. «Sans les touristes, ce ne sera pas comme d’habitude, si on fait 25 % de notre chiffre d’affaires on sera contents», reconnaît Linda Larkin. La propriétaire du restaurant Chez Yvonne, à New Glasgow, s’inquiète particulièrement pour ses 55 employés : «C’est notre plus gros défi, nous n’aurons malheureusement pas assez de travail pour toute l’équipe.» La restauratrice préfère attendre pour accueillir à nouveau des clients et travaille encore sur le protocole sanitaire. À Charlottetown, Brett Hogan reste optimiste pour les mois d’été. «Les insulaires soutiennent les commerces locaux, ils seront au rendez-vous. Quoiqu’il arrive, on aura un bon été», assure-t-il. Derrière son enthousiasme pointe une légère inquiétude. «Ça aiderait si les frontières avec le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ouvraient.»
Une dernière exigence imposée par les autorités suscite des interrogations chez certains clients. Les restaurateurs ont l’obligation de conserver pendant un mois le nom et le numéro de téléphone d’au moins une personne par tablée. «On a eu quelques tables qui n’ont pas voulu nous donner ces informations», regrette Brett Hogan. Grâce à cette mesure, les autorités souhaitent pouvoir identifier rapidement toute personne ayant été proche d’un malade si un cas de COVID-19 se déclarait, afin de lui faire passer un testet, le cas échéant, l’isoler.
Vie privée en question
«En ces temps sans précédent, nous sommes forcés de faire les choses un peu différemment, justifie le premier ministre Dennis King. Nous avons mis en place un protocole strict qui respecte la vie privée. Nous n’exigeons aucune information financière ou toute autre donnée personnelle.» Le bureau de la médecin-hygiéniste en chef se veut également rassurant. «C’est pour nous aider avec le suivi des contacts, les données nous sont transmises uniquement si un cas positif apparaît, autrement elles sont détruites au bout d’un mois par les restaurateurs», assure Heather Morrison. De leurs côtés, les professionnels voient cette mesure d’un bon oeil. «Ce n’est pas un enjeu. Avant même la COVID-19, on prenait les noms et les numéros de téléphone quand quelqu’un réservait une table», explique Linda Larkin. Brett Hogan, lui, parle d’une consigne «intelligente» et «proactive» pour éviter la propagation de la maladie.
Le Hopyard a rouvert le 1er juin. Son propriétaire, Brett Hogan, est confiant pour les mois d’été à venir mais «ça aiderait si les frontières avec le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ouvraient», glisse-t-il. (Photo : Marine Ernoult)